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Mariée à 12 ans, une jeune Kamikaze raconte son histoire

Vendredi 1 Juin 2018

Halima Adama née à Gomirom-Domou. Trop jeune, elle a quitté la classe de CP2 pour se soumettre à un mariage familial forcé. En 2016, elle a rejoint avec son mari le groupe extrémiste de Boko Haram dans le Lac Tchad. Après une courte formation d’endoctri- nement et des travaux de cuisine pour le compte des combattants de Boko Haram, on lui donne une mission pour aller au Paradis. Lors de leur première mission au Lac Tchad, les chercheurs du CEDPE ont bradé les épreuves pour la rencontrer et s’entretenir avec elle. Pourtant la tâche n’était pas aussi facile car il a fallu passer par plusieurs intermédiaires pour soudoyer et dépenser plus de cent mille francs CFA (140 €) pour la faire venir d’une île lointaine.


CEDPE: Comment avez vous du jour au lendemain tout abandonner pour rejoindre le groupe extré- miste de Boko Haram? c'était grâce aux messages de sensibilisation peut être?
La Kamikaze : J’étais à Boko-Haram avec mon mari nous sommes mariés il y a quatre ans. Mon mari est cultivateur et né à Gmirom. Nous étions à la pêche et mon mari a décidé que nous rejoignons Boko-Haram. Je ne savais pas que nous partions rejoindre Boko-Haram. C’est lui qui m’a entraîné sans mon consente- ment. 
CEDPE: c'était grâce aux messages de sensibilisation peut être?
La Kamikaze : Je n’ai pas entendu les messages de sensibilisation. 
CEDPE: Quand est-ce que vous vous êtes rendu compte que vous avez rejoint Boko Haram?
La Kamikaze: C’est quand nous étions là-bas sur place que je me suis rendu compte.
CEDPE: Avez-vous participé au combat?
La Kamikaze : Non pas moi mais mon mari oui, une fois au combat de Damassak. Je ne l’ai pas de- mandé ce qui s’est passé au front. Il assistait aux for- mations d’un mois avant d’aller au combat. Mais il n’est pas autorisé de rentrer avec une arme. 
CEDPE: Quel était ton rôle chez Boko Haram?
La Kamikaze: Les femmes ne faisaient rien d’autre que la cuisine. Je ne savais pas d’où venait les vivres. Les chefs nous les livraient. Nous vivons nombreuses dans une cour. Je faisais l’école cora-
nique. Nous ne sommes pas autorisées d’aller seules à l’école. C’est un certain Adoum qui est chargé de nous conduire à l’école coranique et nous ramenait à la maison. Il était notre marabout, nous faisoins les cours tous les jours sauf samedi et dimanche. 
CEDPE: Pouvez-nous dire comment avez-vous ac- cepté de porter de bombe et d’être Kamikaze ?
La Kamikaze: Personne ne demande votre avis (...) nous sommes obligées d'exécuter tout ce qu'on nous dicte. Nous étions trois jeunes filles installées dans trois pirogues différentes qui portaient de bombes. Nous étions escortées et surveillées par des hommes bien armés prêts à nous tirer dessus à la moindre hésitation. Nous n’avons pas de choix. Si on refusait on serait exécutées sur place. 
CEDPE : Vous venez de quel coin ?
La Kamikaze: Nous étions venus de Darak au Ca- meroun. 
CEDPE : Combien de temps avez-vous fait pour arriver au lieu indiqué de votre opération ?
La Kamikaze: Nous avions fait trois jours pour arriver au lieu d’opération en marchant nuits et jours.
CEDPE : Quand avez-vous décidé de ne pas activer la bombe que vous portée? 
La Kamikaze: J’ai décidé de ne pas activer ma bombe une fois arrivée sur le lieu d’opération. C’était dans ma tête depuis que j’ai quitté le fief. Les 2 autres venaient d’autres localités on ne se connais- saient même pas. Elles ont activé leurs bombes et ce sont les éclats qui m’ont amputé les deux jambes. 
CEDPE : Avez-vous les nouvelles de votre mari et que comptez-vous faire?
 La Kamikaze: Depuis que j'ai quitté je n'ai aucune nouvelle de mon mari. Aujourd'hui, j'ai perdu la mobi- lité de mes jambes. je n'arrive même pas à laver mes habits ni puiser de l'eau et quel homme acceptera de se marier à une handicapée comme moi.
CEDPE: Quel message voulez vous adressez aux jeunes ?
 La Kamikaze: Je vous remercie et je conseille aux jeunes de ne pas croire aux propagandes c'est du mensonge. Puis j'adresse un appel aux autorités de s'occuper de l'éducation de la jeunesse. J'appelle aussi aux bons cœurs de m'aider. 

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