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Réchauffement des relations entre le Tchad et la Libye

Dimanche 24 Janvier 2021

L'entretien a porté sur les fondements du renforcement des relations et du développement de la coopération entre les ministères de la Défense libyen et tchadien.


Le président tchadien Idriss Deby a reçu une importante délégation militaire libyenne en visite dans la capitale tchadienne. La délégation militaire libyenne était dirigée par le ministre de la défense Dr Salah al-Din al-Numroush, accompagné du lieutenant général Muhammad al-Haddad, chef d'état-major de l'armée libyenne et d'un groupe d'officiers et de conseillers.

L'objectif de la visite au Tchad rentre dans le cadre de nore stratégie de renforcer et développer les relations de coopération avec divers pays amis et frères, en particulier les pays voisins et surtout le Tchad, en raison de sa grande importance pour soutenir la sécurité et la stabilité en Libye et au niveau de notre frontière commune, selon le service de communication du ministère de la défense libyen. En visite au Tchad, la délégation libyenne a été reçue samedi par le président Idriss Deby en présence du ministre de la Défense Mahamat Abali Saleh. L'entretien a porté sur les fondements du renforcement des relations et du développement de la coopération entre les ministères de la Défense libyen et tchadien. Ont été au centre de l'entretien, les mécanismes de protection, de sécurisation et de surveillance des frontières libyo-tchadiennes et de la coopération pour freiner l'immigration illégale et lutter contre le terrorisme et le crime organisé. Le Président Deby a souligné lors de la réunion que la République du Tchad soutenait la paix, la stabilité et la sécurité en Libye.

La visite d'une délégation du gouvernement libyen reconnu par la communauté internationale pourrait marquer le début d'un réchauffement des relations avec le gouvernement tchadien qui accusait par le passé Tripoli d'héberger de groupuscule islamiste. Il convient de rappeler que grâce au soutien militaire de la Turquie, le GNA a réussi à desserrer l'étau autour de Tripoli imposé par le Maréchal Khalifa Haftar soutenu par la France. Cette victoire a permis au GNA de reprendre la main sur l'ouest de la Libye, de relancer le dialogue interlibyen et de lancer une campagne diplomatique avec les pays étrangers pour les rassurer qu'il n'existe désormais aucune menace islamiste à l'ouest du pays.

Force est de constater que Daech a profité de l'instabilité en Libye pour s'installer aux confins du pays et alimenter ses bases terroristes dans l'espace du G5 Sahel. Enfin, il n'est pas exclu que les deux parties se penchent sur la présence en Libye de rebelles tchadiens dont le nombre total -répartis en trois importants mouvements- a été estimé à 3000 hommes, selon le journal La Croix.
 
 

Le Tchad par sa présence militaire partout ailleurs et face à la menace de Boko Haram, se trouve dans l’impossibilité de se mouiller officiellement dans la crise libyenne dont les acteurs ne se privent pas de temps à autre d’accuser l’implication dans les affrontements de ce qu’ils appellent des mercenaires tchadiens. A plusieurs reprises, de pauvres travailleurs tchadiens sont arrêtés, exhibés et présentéscomme des mercenaires, ils sont également torturés et abattus (...). Certes, il se trouve que les deux parties en conflitenrôlentdansleursrangs des tchadiensissus de l’immigration ou des combattants appartenant aux groupuscules de mouvements de l’opposition tchadienne se trouvant en Libye.
Depuis la chute de Kadhafi en 2011, le sud de la Libye échappe au contrôle des nouvelles autorités libyennes et est devenu par conséquent un «Nomansland», une zone de refuge pour des mouvements rebelles tchadiens. Parmi les principaux mouvements rebelles installés en Libye, on peut citer, selon (Laurent Larcher, La Croix06/02/2019) :
 
1. Le Front pour l’alternance et la concorde au Tchad (Fact) qui opérerait surtout dans la région de Sebha. Dans le jeu compliqué des alliances, ilest associé à la « Troisième Force de Misrata » (la 13e brigade) et au gouvernement de Tripoli. Ils ont ainsipris part auxcombatscontre la branche libyenne de Daech à Syrte et contrel'ANL du maréchal Haftar à Juffrah.
2. Le Conseil de commandement militaire pour le salut de la République (CCMSR). Créé en 2016 par Mahamat Hassan Boulmaye d'une scission avec un autre groupe rebelle tchadien, le Front pour l'alternance et la concorde au Tchad (Fact), le CCMSR a développé des alliances avec d'autres groupes dont des islamistes opposants au maréchal Haftar, les Brigades de défense de Benghazi).
 
3. L’Union des forces de la résistance (UFR), une alliance de huit groupes tchadiens dirigée par Timan Erdimi, neveu d’Idriss Déby et membre comme lui de l’ethnie des Zaghawa, originaire du nord-est du Tchad. L’UFR avait été en pointe dans l’offensive de février 2008 qui aurait renversé le président Déby sans l’intervention robuste de l’armée française.
 
Le Tchad, le plus affecté du G5 Sahel
Sur les quelques 3000 tchadiens qui prennent part dans les affrontements opposant les deux parties, on estime à environ 750 le nombre de tchadiens ayant perdu la vie en Libye. Comment sont-ils recrutés ces tchadiens ? Les deux parties en conflit procèdent au recrutement de tchadiens auprès de ceux qui résident en Libye, naturalisés libyens et immigrés. Il y a également le cas de tchadiens recrutés à partir de la ville d’Eljeneina, au Soudan, par l’intermédiaire des Forces de Soutien Rapide (FSR) et le transport est discrétement assuré par un les Emirats arabes unis, un pays qui apporte un important soutien au Maréchal Haftar. Que deviendront-ils les rescapés tchadiens, après la cessation des hostilités? Difficile de pronostiquer. Selon Africa Intelligence: les récents revers militaires de Khalifa Haftar sont devenus une source de préoccupation pour les autorités tchadiennes en raison de la démobilisation de centaines de combattants tchadiens combattant dans ses rangs. Le site français a confirmé qu'au moins 500 combattants tchadiens avaient participé à l'offensive de Haftar contre la capitale Tripoli, et a ajouté qu'après une série de défaites de Haftar, notamment la perte de la base militaire stratégique et de l'aéroport international de Tripoli, les combattants tchadiens se sont retirés au Fezzan, à quelques kilomètres de la frontière entre la Libye et le Tchad. Le Gouvernement Tchadien s’inquiéterait de cette situation qui risque de destabiliser le nord du Tchad. Le Centre d’études pour le développement et la prévention de l’extrémisme (CEDPE) n’est pas de cet avis: “La cessation des hostiltés pourrait, au contraire, constituer un bon signe pour le Tchad car les mouvements rebelles tchadiens n’auront d’autre choix que de privilégier la réconciliation avec le régime de N’Djamena ou de disparaître dans la nature. Car avec la fin du conflit en Libye, il leur sera désormais impossible d’entretenir leurs bases arrières sur le sol libyen et également très difficile de s’engouffrer dans le territoire tchadien en raison de leurs fragmentations et les hostilités géographiques”. Ce qui préoccupe plus le Tchad c’est le trafic de drogue, la circulation des armes qui alimentent les conflits inter et intracommunautaires, la contrebande de voitures, de carburant, la présence d’un melting-pot d’orpailleurs dans un Nomasland aux confins de la Libye...
 
Tout cela est imputable à l’instabilité de l’ancienne Jamahirya. Cela pourrait, à long terme, être une source de déstabilisation du pays.  Au Tchad, il s'est déroulé un procès du siècle sur un important trafic de drogue entre le Tchad et la Libye, démantelé et dont les responsables sont de personnes haut placées. Tout a commencé avec le démantèlement d'un vaste réseau et l’arrestation le 3 juillet 2019 de sept personnes soupçonnées par le Ministère public de trafic de stupéfiants, notamment "des psychotropes d'une valeure stimée à 7 milliards FCFA” (BBC/4/7/2019). Destinés à être livrés en Libye pour, dit-on, alimenter les deux parties en conflit, les deux cents cartons de Tramadol ont été déclarés à la douane comme étant des produits pharmaceutiques. “Depuis la Libye où ils se trouvent, les barons du trafic ont tenté d’intimider ou de corrompre toute la chaîne judiciaire par l’entremise des officiers impliqués dans le trafic. Le procureur de la République de N’Djamena par exemple a été démarché pour faciliter la tâche aux mis en cause en échange d’un milliard de FCFA’ (D’après les sources dans la presse tchadienne en ligne).

Analyse CEDPE