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Enquête sur les attentats terroristes de la ville de N'Djamena, Tchad

Dimanche 6 Juin 2021

Les débris des kamikazes ramassés sur les lieux des attentats ont permis de déterminer que ces terroristes ont porté des gilets explosifs spécialement conçus constitués des tissus noirs. L’organisation terroriste Boko Haram a revendiqué ces attentats et affirme vouloir faire payer au gouvernement du Tchad son intervention aux côtés du Cameroun et du Nigéria dans la lutte contre elle. Une cellule active d’un réseau terroriste a été identifiée et démantelée. La conduite de l’enquête s’articule sur l’interpellation des responsables des éléments de Boko Haram établis à N’Djaména ainsi que leurs complices. Il s’agit de : Mahamat Moustapha alias Bana Fanaye, Abakar Ibrahim Oumar alias Cheik, Adam Ali Mbami, Ali Allamy, Alhadj Tchalle Mbodou, Ali Tchari, Kati Allhadji Mali, Tchari Ali, Mani Mal Tarbey, Abani Bada.


Enquête sur les attentats terroristes de la ville de N'Djamena, Tchad
Le récit du procès des présumés Terroristes qui ont attaqué la ville de N’djamena en 2015
 
Par DINGAMRO DEKO
Spécialité paix sécurité et intégration.
cadre au ministère de la justice et des droits humains, chercheur associé au Centre d'études pour le développement et la prévention de l'extrémisme. Extrait de la Revue scientifique trimestrielle du CEDPE

Résumé

Cet article intitulé récit des présumés terroristes qui ont attaqué la ville de N’Djamena en 2015, est un récapitulatif des faits qui se sont déroulés simultanément et ont fait des victimes civiles et dans les rangs de la police. Il décrit comment les auteurs qui étaient organisés dans leur opération et quelle est la tâche de tout un chacun d’eux. Dans les témoignages recueillis et les documents consultés, une description des auteurs apparait avec leur source de financement et leur répartition pour l’opération à mener. L’article donne des informations sur les techniques et l’appartenance communautaire des auteurs et des chefs et comment Boko Haram a réussi à infiltrer N’Djamena et comment les terroristes ont pu faire l’attentat visant les points stratégiques de la capitale.
Mots Clés : Paix, Sécurité Intégration.
 

Introduction

Selon les informations résultant sommairement des auditions des procès-verbaux de la justice : Les 15 Juin, 29 Juin et 11 Juillet 2015, il y a eu successivement des séries d’attentats terroristes à N’Djamena respectivement devant le Commissariat central de police, à l’école nationale de police, dans un domicile privé sis au quartier Diguel-Dinguessou dans le 8ème arrondissement municipal de la ville de N’Djamena et le marché central. Ces différents attentats qui visaient des institutions publiques ont occasionné d’importants dégâts humains et matériels. Le bilan global est de 67 morts dont 10 kamikazes et 182 blessés. Après les attentats terroristes, une enquête a été ouverte par le parquet d’instance de N’Djamena qui a mis en place plusieurs équipes d’Officiers de Police Judiciaire et a requis les services de renseignements relativement à la recherche, à l’accumulation des preuves, à l’interpellation des présumés auteurs et de leurs complices.
L’organisation terroriste dénommé Boko Haram est indexée comme étant le commanditaire de ces attentats. Ceux-ci étaient manifestement planifiés par les nommés Moustapha Mahamat alias Bana Fanaye, Youssouf Ali, Harouna Adam, Muhamed Musa Abbas alias Abakar Ibrahim Cheick, Ousmane Zarkaoui et autres repartis en deux groupes
[[1]]url:#_ftn1  : le groupe de Toukra et le groupe de Diguel sous la coordination de Moustapha Mahamat alias Bana Fanaye.
 
La cellule d’enquête a procédé à la reconstitution de l’état des lieux des attentats en vue de travailler sur la base du concret et explorer toutes les pistes possibles. Grace à l’appui technique des enquêteurs américains du FBI venus pour la circonstance apporter leur expertise aux autorités tchadiennes, il a été établi que les fragments collectés sur la scène de crime des trois lieux des attentats sont identiques et que la conception des engins mortels est aussi la même
[[2]]url:#_ftn2 .
Les débris des kamikazes ramassés sur les lieux des attentats ont permis de déterminer que ces terroristes ont porté des gilets explosifs spécialement conçus constitués des tissus noirs. L’organisation terroriste Boko Haram a revendiqué ces attentats et affirme vouloir faire payer au gouvernement du Tchad son intervention aux côtés du Cameroun et du Nigéria dans la lutte contre elle. Une cellule active d’un réseau terroriste a été identifiée et démantelée. La conduite de l’enquête s’articule sur l’interpellation des responsables des éléments de Boko Haram établis à N’Djaména ainsi que leurs complices. Il s’agit de : Mahamat Moustapha alias Bana Fanaye, Abakar Ibrahim Oumar alias Cheik, Adam Ali Mbami, Ali Allamy, Alhadj Tchalle Mbodou, Ali Tchari, Kati Allhadji Mali, Tchari Ali, Mani Mal Tarbey, Abani Bada.
Des perquisitions effectuées dans les domiciles des suspects ont permis de saisir de faux documents administratifs et d’importants matériels suspects dangereux ainsi que des caches d’armes et des produits psychotropes. Considérant qu’il ressort de l’audition de Bana Fanaye alias Mahamat Moustapha, de son vrai nom Baba Gana Goni Mahamat qu’il est le chef de Boko Haram de N’Djaména et coiffe également Kousseri au Cameroun ; qu’il est devenu membre de Boko Haram depuis trois ans et demi à Gambarou. Qu’après avoir été chassé par le comité d’auto-défense depuis environ deux ans, il s’est réfugié à Kousseri où il se livrait à l’importation des motos
[[3]]url:#_ftn3 avant de s’installer à N’djaména fuyant la masse de réfugiés venant de Gambarou de peur d’être démasqué. Selon lui, le groupe s’est constitué au cours d’une réunion tenue il y a environ 7 mois (juillet 2015) sous les manguiers à Walia-Hadjarai où étaient présents :
  • Moussa Kwata était en charge des missions entre le Tchad et le Nigéria (en fuite et recherché)
  • Moussa Ali alias Nammama s’occupait des réfugiés femmes (mort à Diguel-Dinguessou le 29/06/2015)
  • Youssouf Ali, chargé de l’accueil, de l’hébergement des terroristes kamikazes, leur indique les cibles et réceptionne les matériels ; Ce dernier est assisté dans sa tâche de planification par Harouna Adam (mort le 29/06/2015, locataire de la maison de Diguel-Dinguessou)
  • Harouna Adam s’occupait également de l’évacuation des blessés vers l’hôpital de Mahada (Cameroun) (mort le 29/06/2015, colocataire de la maison de Dinguessou)
  • Mallam Lawal, le second de Moussa Kwata (arrêté)
  • Bana Yadawa cherche des cachettes pour les membres de la nébuleuse (en fuite et non présent sur le territoire tchadien)
  • Bana Fanaye qui a été désigné chef de la secte Boko Haram à N’Djaména. Il a une mission qui consiste en l’achat des armes, des minutions et des pièces détachées depuis le Soudan, le Cameroun et le Tchad. Qu’il est également chargé du recrutement des éléments tchadiens pour alimenter les rangs de la secte et qu’il a eu à recruter personnellement une quarantaine de personnes. Qu’il s’occupe également de l’accueil des membres en repli au Tchad.
Le groupe compte environ quinze membres dont des nigérians et des camerounais et la réunion leur a permis également de se répartir les tâches pour une meilleure coordination de leurs activités.
La diversité ethnique des membres de ce groupe:
  • Les Boudoumas : Youssouf Ali, Bana[[4]]url:#_ftn4 Yadawa, Mahamat Moustapha, Bana Toukra, Tidjani koulouma, Moustapha, Abouna Adam, Abor Harazai, Mahamat.
  • Les Haoussas sont : Moussa Kwata et Moussa Ali alias Namama.
  • Les Arabes sont : Haroun Adam, Ibrahim Ali, Ali Ousmane, Mahamat Azafrak.
  • Les Kotoko sont : Abakar Guelbe, Moussa Moise, A Abor Ibni Abbas, Kasseri et Ahmat.
  • Le Sara est : Djimadoum Koula Doumgui alias Mahamat Sara
  • Le Peul est : Mahamat Saleh Ali alias Ousmane Zarkaoui
 
Au regard de cette diversité ethnique, on peut infirmer toutes les thèses tendant à établir une corrélation entre Boko Haram et l’appartenance communautaire, ce qui accrédite davantage la pluralité des motivations dans l’engagement à la secte Boko Haram :
  • Les membres du groupe qui se trouvent à Kousseri sont  Abouna Adam, Ibni Abass, Abor Harazai, Mahamat Azarak et Moussa Moise. En dehors de deux derniers qui sont des vendeurs d’essence, le reste du groupe exerce la profession de clandoman. 
  • Il y a un groupe de Boko Haram composé de Gorane et de Kanembou environ une quarantaine et qui est sous le commandement d’Ousmane Abdallah, tchadien, d’ethnie gorane, domicilié au quartier Ridina qui est présentement en Arabie Saoudite pour le petit pèlerinage à la Mecque. Que c’est ce dernier, un prédicateur rattaché au responsable de Boko Haram le nommé Ba Moussa qui opère dans la zone de Banki/Cameroun. Ce groupe est membre de la secte de façon partisane et par idéologie. Sinon, ils ne participent ni aux opérations, ni aux achats d’armes et de munitions, ni à l’accueil des éléments et ne reçoit aucun financement de l’organisation.
  • Il y a aussi quelques groupes isolés qui sont venus de Gambarou et se trouvent à Démbé, à Diguel-Ngabo et à Toukra. Selon Bana Fanaye, il n’existe aucune ramification de la secte à l’intérieur du pays.

Objectif et préparation des attentats à N’Djamena

Selon Bana Fanaye, l’objectif des attentats est de faire payer au Tchad son intervention militaire contre leur organisationnel c’est pour cela  ils ont décidé de frapper un certain nombre de cibles au Tchad. Concernant la préparation des attentats, selon Bana Fanaye, un des chefs Boko Haram appelé Abba Kaka basé à Banki a appelé  Youssouf ALI au téléphone et l’a  chargé des kamikazes en lui disant qu’il allait  lui envoyer trois personnes sans autres précisions. Ces terroristes sont entrés au Tchad par Kousseri mais qu’il se réserve d’indiquer la porte d’entrée. Les trois kamikazes ont été accueillis par Youssouf Ali et Harouna Adam et ont mis environ cinq jours au quartier Diguel-Dinguessou avant de commettre leur forfait[[5]]url:#_ftn5 .

Dissension pour le passage à l’acte 

Selon Bana Fanaye, il a été informé de l’arrivée de trois étrangers et qu’il fallait chercher des cibles à attaquer. Il leur a demandé de ne pas passer à l’action car cela serait préjudiciable à leur présence au Tchad et surtout à leur organisation mais il n’a pas suivi. Selon lui, il a préconisé d’attaquer d’abord les bars dancing. Youssouf ALI lui a dit de prendre acte de sa proposition mais deux jours après, il a appris à la radio le double attentat qui a visé le commissariat central et l’école de police. Il a donc reproché Youssouf ALI de ne l’avoir pas prévenu du choix des cibles et ce dernier lui a dit  que les kamikazes étaient agités à perpétrer leur forfait.
 
Trois jours après les attentats, Youssouf l’a informé de l’arrivée de deux nouveaux kamikazes entrés toujours par Kousseri mais après l’interpellation de la femme de Youssouf ALI précédée de l’explosion sur la route de Gaoui, il a compris que c’était le domicile de Youssouf Ali à Diguel-Dinguessou
[[6]]url:#_ftn6 . Les membres de la secte ayant reçu la formation de djihadiste ne dépassent pas dix. Il s’agit de Ousmane Zarkaoui, Youssouf Ali (décédé), Haroun Adam (décédé), kamay alias Kasseri, A. Abor, Moussa Kwata, Moussa Ali alias Namama (décédé) et Bana Fanaye lui-même[[7]]url:#_ftn7 .

Qui finance Boko Haram à N’djamena ?

Selon Bana Fanaye, le financement des activités de Boko Haram vient essentiellement du Nigéria[[8]]url:#_ftn8 . Il affirme que c’est Moussa Moise qui est à Kousseri qui va chercher souvent l’argent à Amtchoukouki (Cameroun) près de Fotokol. Lorsque Bana Fanaye exprime le besoin d’argent il appelle Ba Maye à Kountché au Nigéria.  Ba Maye remonte l’information à Sambissa auprès de Abba Kaka qui saisit à son tour Aboubakar Shekaou, ensuite l’argent est mis à la disposition de BA Maye, et l’achemine à Kousseri pour la cellule de N’Djamena. En un mot le transfert de fond suit un labyrinthe.
 

La détention illégale, l’acquisition des armes et des munitions :

Il a été découvert dans le domicile de Bana Fanaye et Moussa Kouata au quartier Guinébor dans le 1er arrondissement de la ville de N’Djaména une importante cache d’armes et de munitions de tout calibre ; qui  a permis de recenser les armes et munitions suivants :
  • 32 AKM ;
  • 02 Mitrailleuses de 12,7mm
  • 02 lances roquettes RPG7
  • 07 mitrailleuses 09 mm
  • 07 boites de cartouches de 12,7mm
  • 04 boites de cartouches AKM
  • 34 roquettes RPG 7 (OG anti char)
  • 53 roquettes RPG 7
  • 100 charges RPG7
  • 13 verseaux de mitrailleuse 12.7
  • Une grande quantité de maillons de 12.7mm et mitrailleuses 09mm
  • Une grande quantité de minutions 12.7mm, 09mm, FAMAS et AKM.
 
Bana Fanaye a donné quelques précisions sur le circuit d’acquisition des armes et des munitions. Selon lui, il a contacté un élément dont il ne connait pas l’identité qui lui fournissait des armes et des munitions pendant qu’il était encore à Kousseri. Il dit que ce dernier lui aurait fourni 13 armes d’assauts de marque AKM dont 4 à 450 000 francs l’unité et neuf à 500 000 francs pour 10 000 cartouches. Une fois installé à N’Djaména, dit-il, il a contacté Ousmane Abdallah[[9]]url:#_ftn9 qui l’a aidé à faire venir un nombre incalculable d’armes et de munition du Soudan qu’il a pu acheminer à Blangoua, ville camerounaise.
Il note  que les autres armes lui ont été livrées par Mahamat Saleh[[10]]url:#_ftn10 dont il ignore la fonction et les contacts ainsi que son lieu d’habitation.
Pour le stock des armes retrouvées par les forces de l’ordre au domicile de Moussa Kwata à Guinébor, une grande quantité de ces armes a été assemblée par Harouna Adoum. C’est un stock de presque un an environ[[11]]url:#_ftn11 . Ces armes destinées à alimenter les combattants BokoHaram au Nigéria, sont dissimulées dans les marchandises (poissons, peau…), sont transportées en petite quantité jusqu’à Guitté puis en pirogue vers Blangwa de jour ou de nuit. Elles sont ensuite convoyées jusqu’à Fotokol ou Seram (Cameroun) et enfin elles arrivent au Nigéria et réceptionnées par Abba Kaka[[12]]url:#_ftn12 .
Mahamat Moustapha alias Bana Fanaye a reconnu sans ambages les faits qui lui sont reprochés tant en enquête préliminaire qu’au fond, qu’il a fait un aveu de culpabilité compte tenu des responsabilités qu’il a eu à assumer au sein de la secte Boko Haram à N’Djamena[[13]]url:#_ftn13 .

Sur le faux et usage de faux, trafic et consommation des produits psychotropes

Bana Fanaye alias Mahamat Moustapha s’est fait délivrer des fausses pièces d’identité sur lesquelles il a indiqué qu’il est né au Tchad alors qu’il est né au Cameroun.  Dans cette pièce il s’est nommé Mahamat Moustapha alors que son vrai nom est Baba Gana Goni Mahamat. En agissant ainsi, l’inculpé tombe sous le coup des articles 196 et Code pénal. Il a donc des charges suffisantes pour le poursuivre de chef[[14]]url:#_ftn14 .
Considérant que lors de la perquisition de son domicile, il a été saisi et mis sous scellés une importante quantité des produits psychotropes ; il ne fait l’ombre d’aucun doute que les membres de Boko Haram s’adonnent régulièrement au trafic et à la consommation desdits produits. Il y a également des charges suffisantes pour retenir Bana Fanaye alias Mahamat Moustapha dans les liens de la prévention sur la législation contre les stupéfiants et autres produits psychotropes.
Cheick déclare pour sa part qu’il a été interpellé à Massaguet par la police l’accusant d’être un élément de Boko Haram. Selon lui,  il prétend être installé à Farcha depuis quatre ans en pratiquant le commerce de sésame amené de Moundou de 2011 à 2014. Avec le soutien de son aveu, il affirme avoir gagné le rang de Boko Haram en 2011 à partir de N’Djamena et recruté par le défunt Baka de nationalité nigériane et d’ethnie Bornou. Il a été formé dans le concept de Boko Haram  ayant constaté que celui-ci n’est pas conforme au Coran car il prêche la violence.
Il précise que Baka et les autres membres influents de la secte faisaient des navettes entre Ndjamena et Maïduguri et chaque fois, ils lui versaient une somme de cent à cent cinquante mille francs CFA en guise de récompense. Il cite comme membres de la secte Boko Haram à Ndjamena Ousman Abdoulaye alias Manou à Angabo, Bana Yadawa vendeur de matelas à Goudji, Bana Fatié, Ousman Zarkaoui et Koulouma à Toukra, Youssouf Ali et Haroun à Diguel. Il ajoute que les deux dernières cités sont les leaders de Diguel et qu’ils ont d’autres partisans, Mal Lawane à Diguel-Zafaï. Abakar Ibrahim Oumar alias Cheick justifie l’argent que lui versent les membres influents de Boko Haram pour les cours de Coran qu’il leur donne. Il  fait semblant de ne pas connaitre la position d’Ousman Zarkaoui en disant que  leur dernière rencontre remonte à six mois. Il précise  que Bana Fanaye et Koulouma, Bana Fatié sont des éléments de Boko Haram et que Ousman Zarkaoui est leur chef[[15]]url:#_ftn15 .
Répondant à la question de savoir pourquoi il a fui Ndjamena pour se retrancher à Massaguet, il explique qu’il fui à cause des dégâts collatéraux de ces attentats. Il dénonce les commanditaires de ces attentats, Youssouf Ali et Haroun Adam de nationalité nigériane, habitant à Diguel. Il relate avoir peur d’être arrêté par les autorités quand il dénoncera Youssouf Ali et Haroun Adam après ces différents attentats. Il déclare pouvoir conduire la police chez Harouna, Man Lawane, Ousman Abdoulaye, Youssouf Ali qui sont chargés de cacher les armes chez eux. Il laisse entendre qu’il veut coopérer pour démanteler les autres membres de Boko Haram[[16]]url:#_ftn16 .
Ibrahim Cheick[[17]]url:#_ftn17 dit que les sources de financement de la cellule Boko Haram du Tchad vient du Nigeria. Il y a Ali Abdoulaye alias Ali Mousgoum et Mahamat Serki qui sont chargés de se rendre au Nigeria auprès d’Abubakar Shekaou pour chercher l’argent. Il déclare que c’est Ali Abdoulaye alias Ali Mousgoum qui l’a informé que Ousman Abdoulaye alias Manou est aussi membre de Boko Haram depuis 2011.
Une réflexion est actuellement en cours, au Tchad, sur les moyens d’articuler cette réponse d’urgence et des projets de développement autour du lac pour favoriser la résilience des populations sur le long terme. De nombreux bailleurs comme la Banque mondiale, l’Union européenne à travers son Fonds fiduciaire, ainsi que son instrument de stabilité et le service de la Commission européenne à l’aide humanitaire (ECHO), ou encore l’Agence française de développement et la Banque africaine de développement, ont déjà défini ou fait part de leur intention d’investir dans les projets de réinsertion. Les calendriers de mise en œuvre différents et les projets qui mobilisent le plus de fonds débuteront sûrement. Affecter des sommes importantes au développement du pays, bien que nécessaire, n’est pas sans risque et impose d’évaluer en amont l’impact de chaque dollar dépensé pour éviter de renforcer certains facteurs de crise (do no harm policy). Dans cette région du lac très particulière, marquée par une croissance démographique importante et les fluctuations incessantes, seule la mobilité des acteurs a en effet permis de maintenir un équilibre entre les communautés.
Aujourd’hui, la mobilité est compromise et les modes traditionnels de règlement des conflits, la gestion du foncier ou encore l’organisation des campagnes de pêche ou de la transhumance sont perturbés par un déploiement militaire important et par la présence de Boko Haram. Les acteurs du développement devraient financer une étude socio-anthropologique pour comprendre ces logiques de mobilité, les phénomènes de concentration à l’œuvre, la structure des ménages et surtout définir des priorités avec les populations locales pour faciliter leur appropriation. La question du dimensionnement des projets devrait également être abordée. Certains chercheurs proposent par exemple de privilégier de nombreux aménagements de taille réduite pour éviter de recréer des compétitions féroces entre communauté. 
Enfin, si ces projets sont indispensables, la relation entre sous-développement et radicalisation n’est pas toujours évidente et il faut donner aux projets de développement des objectifs bien plus larges que la « déradicalisation » ou la « prévention de la violence extrémiste », pour éviter un amalgame aux yeux des populations entre actions de développement et mesures sécuritaires. Pour réussir cette transition de l’urgence au développement, il est essentiel que l’Etat se saisisse davantage de la question de l’avenir du lac.
 
[[1]]url:#_ftnref1   Arrêt criminel numéro .02/05/2005 Cour d’Appel de N’Djamena.
[[2]]url:#_ftnref2 Documentaire d’enquête, police tchadienne et FBI.
[[3]]url:#_ftnref3 Le trafic de moto entre le Nigeria et le Tchad via la ville de Kousseri transfrontalière à Ndjamena était une activité très développée. Elle rentrait dans le cadre de l’économie insurrectionnelle instaurée par Boko Haram aux confins des Etats.
[[4]]url:#_ftnref4 Documents d’enquêteurs, ministère de la justice du Tchad.
[[5]]url:#_ftnref5 Rapport d’enquête du ministère de la justice et des droits de l’homme.
[[6]]url:#_ftnref6 Ibid.
[[7]]url:#_ftnref7 Ibid.
[[8]]url:#_ftnref8 Les activités économiques constituent une seconde source de financement. A cela s’ajoute diverses armes et munitions découverts par les forces de l’ordre du Cameroun à Kousseri.
Quelle date ?
[[9]]url:#_ftnref9 Anonymat, Hommes, 47 ans, N’Djamena, 27 décembre 2020.
[[10]]url:#_ftnref10  Ibid.
[[11]]url:#_ftnref11   Plus de 100 armes de différents calibres.
[[12]]url:#_ftnref12 Rapport d’enquête, ministère de la justice et des droits de l’homme.
[[13]]url:#_ftnref13 Ibid.
[[14]]url:#_ftnref14 Anonymat, Hommes, 47 ans, N’Djamena, 27 décembre 2020.
[[15]]url:#_ftnref15 Ibid. 
[[16]]url:#_ftnref16 Anonymat, Hommes, 47 ans, N’Djamena, 27 décembre 2020.
[[17]]url:#_ftnref17 C’est le représentant de Shekau dans la zone de Kousseri.