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"L’extrémisme violent n’a pas de frontière, pas de couleur, pas de religion ni de race" Dr. Ahmat Yacoub accorde un entretien

Mardi 7 Mai 2019

« Il est important de comprendre que nous ne disposons pas d’un bâton magique pour prétendre vaincre l’extrémisme violent, mais nous apportons notre modeste contribution en appui aux efforts des partenaires qui ont le même souci que nous. »


"L’extrémisme violent n’a pas de frontière, pas de couleur, pas de religion ni de race" Dr. Ahmat Yacoub accorde un entretien
Ancien conseiller chargé des missions du Médiateur de la République du Tchad, et actuellement Président fondateur du Centre d’Etudes pour le Développement et la Prévention de l’Extrémisme (Cedpe), le Dr Ahmat Yacoub Dabio a bien voulu nous accorder un entretien dans lequel il nous parle du Cedpe et de sa vision du combat contre l’extrémisme violent.
 
Question : D’où vient l’idée de création du Cedpe ?
Dr. A. Yacoub : A chaque rencontre avec des partenaires nationaux ou internationaux, ces interrogations reviennent et elles sont légitimes. Certes, il paraît étrange qu’on se réveille un matin et qu’on prenne la décision de bazarder ses maigres ressources pour prétendre apporter son soutien à la prévention de l’extrémisme. J’avoue que lorsque je parlais de ce projet à mes amis, je n’ai eu une oreille attentive que le jour de l’inauguration du Centre. En un mot, ce centre de prévention de l’extrémisme est en l’honneur de mes frères et amis, jeunes élèves et étudiants, morts gratuitement, parce qu’ils étaient victimes comme moi de manipulation, pour avoir à un moment abandonné́ l’école et rejoint la rébellion. J’ai moi- même abandonné l’école en classe de 4ème pour rejoindre la rébellion. J’ai eu la chance de ne pas périr dans cette aventure et de reprendre les études en 1979. J’ai donc créé ce ce tre pour rendre hommage à tous ces jeunes disparus dans cette aventure, à ma mère et ma petite sœur tuées injustement à Abéché en février 1979. Pour rendre également hommage à mon défunt père Mahamat Yacoub Dabio, injustement accusé de connivence avec la rébellion, arrêté et torturé en janvier 1994, et à tous ceux qui sont exposés aux manipulations doctrinales des groupes extrémistes violents.
 
Question : Quels sont les objectifs poursuivis par le centre et que fait-il de manière concrète en vue de contribuer à la prévention de l’extrémisme violent ?
 
Dr. A. Yacoub : Notre objectif est de prévenir l’extrémisme. Nous estimons que l’option militaire contre l’extrémisme, à elle seule, ne suffit pas. Il faut d’autres options sur la base d’études, de recherches, permettant de dégager une stratégie scientifique et intelligente. Le Cedpe a élaboré douze projets pouvant contribuer à la prévention de l’extrémisme violent. Je peux citer entre autres le projet de déradicalisation et d’insertion socioprofessionnelle des désengagés de Boko Haram, le projet des Mouhadjirines, le projet de prévention des conflits intercommunautaires et interreligieux, le projet de la caravane de la paix.
 
Question : Quelles sont les difficultés que rencontre actuellement le Centre et comment voyez-vous l’avenir du combat contre l’extrémisme violent au Tchad ?

Dr. A. YACOUB: Je peux me réjouir du fait que le Cedpe dont la création date de moins de deux ans ne rencontre pas de difficultés majeurs puisque pour se maintenir, il crée des activités génératrices de revenus en comptant aussi sur ses sept fondateurs et ses bienfaiteurs. Il faut avoir une vision très large et parler du danger qui guette le monde entier. L’extrémisme violent n’a pas de frontière, pas de couleur, pas de religion ni de race. Il faut voir ce qui s’est passé en Nouvelle Zélande où 50 musulmans ont été massacrés de sang froid en pleine prière à la mosquée. Parmi les victimes il y a eu des enfants. Aujourd’hui au Lac Tchad comme ailleurs, il y a une multitude d’organismes qui font un travail formidable, mais toujours pas à la hauteur de ce qu’il faudrait avoir comme résultat. Nous déplorons qu’on dépense et qu’on perde assez d’argent et du temps pour le confort et les cérémonies, mais pas suffisamment pour répondre aux besoins élémentaires des nécessiteux. Nous ne souhaitons pas que le combat contre l’extrémisme violent prenne la même forme que la lutte contre la pauvreté qui depuis 70 années, n’a abouti à aucun résultat concret.
 
Par Gustave Allamine Correspondent Ndjamena

du journal Les Coulisses, journal d'informations nationales et internationales, n° 088
 

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