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"La sécurité au Lac Tchad", Ahmat Yacoub interrogé par Sputnik

Mercredi 11 Novembre 2020

En somme l’éradication de Boko Haram dépend en grande partie de trois aspects : 1/ une offensive générale concertée 2/ la réinsertion des désengagés et 3/ le lancement d’un développement socioéconomique.


  1. Comment évaluez-vous la situation sécuritaire actuelle autour du Lac Tchad ?
Ahmat Yacoub Dabio : Si votre question concerne la situation sécuritaire par rapport à Boko Haram ; je peux me permettre de dire que la sécurité dans ce bassin est en nette amélioration.
 
2. Comment la situation a changé depuis le mois de mars, quand le président tchadien Idriss Déby a mené une offensive en éliminant près de 1000 terroristes selon les informations officielles?
Ahmat Yacoub Dabio : On peut attribuer ce changement de situation à plusieurs aspects dont la contre-offensive militaire de l’armée tchadienne en riposte à l’assaut meurtrier de la secte terroriste sur le camp de Boma. La riposte militaire tchadienne a réussi à repousser le mal hors du territoire tchadien.  Cela a coïncidé avec la perte de la secte d’un nombre important de son effectif dont 4142 personnes associées qui se sont rendues aux autorités tchadiennes et 664 combattants ont perdu la vie en 2019.

3. D’après vous Est-ce que l’activité du Boko Haram est mise en veille? Depuis plusieurs mois le nombre d’attentats a été réduit, mais d’après vous est-ce que cela serait un bon ou un mauvais signe?
AYD : De toutes les manières Boko Haram a perdu de terrain et il n’a plus le poids militaire et financier qu’il avait par le passé puisque son effectif sur le terrain qui était d’environ 15000 personnes en  a été réduit à 6500 en 2020. La secte qui possédait d’engins blindés et des véhicules circule maintenant avec des motos. Et grâce à la surveillance par les autorités sécuritaires des axes de trafics d’armes et de commerces, la secte terroriste se retrouve aujourd’hui dans un périmètre exigu. Le contrôle de mines d’or par les autorités du basin du Lac Tchad a fait perdre à la secte une source de revenu très important.
 
4. Quels sont vos pronostics? La situation sécuritaire va-t-elle se stabiliser? Pour longtemps?
AYD : Il est tout a fait clair que la secte se retrouve dans une situation difficile puisqu’elle a perdu sa capacité de nuisance. L’étau se resserre contre elle  après avoir perdu ses sources de revenus et surtout après la défection de 4142[[1]]url:#_ftn1 de ses membres. Mais il faut être prudent et ne pas se fier à la baisse d’intensifité de ses opérations militaires.  Selon une analyse[[i]]url:#_edn1 que nous avons effectuée, le groupe BokoHaram n’aura plus d’existence en 2022 si les pays membres du Bassin du Lac Tchad - appuyés sérieusement par la communauté internationale notamment les forces de Bakhane–mutualisent leurs efforts et engagent de concert une action militaire d’une grande envergure. Le groupe qui comptait début 2020 environ 6500 membres dont 26% de femmes perdra jusque la fin de l’année en cours 2450 de ses combattants si le Cameroun, le Tchad, le Niger et le Nigéria lancent tous ensemble une offensive militaire d’une grande envergure. La pression militaire obligerait 2350 personnes à se désengager et se rendre aux autorités du Bassin du Lac Tchad ce qui affaiblira largement BokoHaram dont son effectif chutera pour passer à 1502 éléments (1310 combattants actifs et 392 femmes (23%) qui vont décider de se désengager. Si la pression militaire s’est poursuivie jusqu’en 2021, en 2022, on ne parlera de BokoHaram qu’au passé.
Si l’engagement militaire concerté des quatre pays est primordial, le processus de réinsertion socioprofessionnelle d’environ 10 000 désengagés doit commencer et les quatre pays doivent avant tout mettre sur pied un plan Maréchal pour le développement socioéconomique de cette région longtemps délaissée. Rien que dans la province du Lac, le nombre de désengagés pourrait atteindre jusqu’à 6894 en 2021.
En somme l’éradication de Boko Haram dépend en grande partie de trois aspects : 1/ une offensive générale concertée 2/ la réinsertion des désengagés et 3/ le lancement d’un développement socioéconomique.
 
 

[[1]]url:#_ftnref1 Ahmat YAcoub,  « La bombe à retardement, 7000 désengagés à réinsérer », CEDPE, mission de profiling, octobre 2020, Amazon.
 

[[i]]url:#_ednref1 le centre d’études pour le développement et la prévention de l’extrémisme (CEDPE)