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Le champ pétrolier de Heglig placé sous protection neutre du Soudan du Sud

Dimanche 14 Décembre 2025

Un accord tripartite avec la RSF et la SAF prévoit le déploiement du SSPDF pour sécuriser les infrastructures pétrolières stratégiques après le redéploiement des SAF
Observateur de la guerre du Soudan


 

L’armée sud-soudanaise a déployé des forces sur le champ pétrolifère de Heglig dans le cadre d’un accord de sécurité tripartite avec les Forces armées soudanaises (SAF) et les forces paramilitaires de soutien rapide (RSF), plaçant l’un des nœuds énergétiques les plus critiques des régions frontalières (nord) Soudan–Soudan du Sud sous protection neutre, alors que la guerre au Soudan continue de remodeler la dynamique sécuritaire régionale.

Ce déploiement fait suite au retrait d’unités de la 90e brigade de la 22e division d’infarterie des SAF de Heglig vers Pan Akuach, dans l’État d’unité du Soudan du Sud. Les forces des RSF sont ensuite entrées dans Heglig sans résistance  lundi, poussant Juba à activer le mécanisme tripartite pour prévenir les affrontements autour des installations pétrolières, selon des sources sécuritaires familières avec l’arrangement.

Heglig se situe dans le bassin des Muglad, un bassin de rift contenant une grande partie des réserves pétrolières prouvées des deux Soudans et constituant l’épine dorsale de la connectivité pétrolière entre les deux pays. Développé pour la première fois en 1996 par Arakis Energy et désormais exploité par la Greater Nile Petroleum Operating Company, le champ est relié à Khartoum et à Port Sudan via le pipeline du Grand Nil.

Pour le Soudan du Sud, Heglig est la porte d’entrée par laquelle le pétrole provenant des champs de l’État de l’Unité – dans le comté de Rubkona (champ pétrolier de l’Unité) et le comté de Koch (champ pétrolier de Tharjiath) – est transporté vers le nord pour exportation. Tout dommage aux installations ou au pipeline serait économiquement catastrophique pour Juba, qui dépend presque entièrement des revenus pétroliers, tandis que le Soudan perdrait également des frais cruciaux de transit et de traitement, devenus de plus en plus importants depuis le déclenchement de la guerre.

S’adressant jeudi aux journalistes à Juba, le ministre de l’Information Ateny Wek Ateny a déclaré que le gouvernement sud-soudan avait conclu un accord tripartite avec les FAS et les RSF pour placer Heglig sous le contrôle des Forces de défense populaires du Soudan du Sud (SSPDF), l’armée nationale du Soudan du Sud, en tant que force neutre chargée de protéger les infrastructures pétrolières et les travailleurs. Il a précisé que les unités des RSF se retireraient au nord du champ pétrolif, sans préciser la distance.

« À la suite des récents affrontements entre les Forces armées soudanaises (SAF) et les Forces de soutien rapide (RSF), ces affrontements ont conduit au retrait tactique des forces SAF dirigées par le brigadier-général Tariq Mokhtar de la brigade 90, division 22, basée à Babanusa. Ils se sont repliés vers le territoire de la République du Soudan du Sud, la région de Pan Akuach dans l’État de l’Unité. »

« Ainsi, les unités des SAF qui sont entrées en République du Soudan du Sud, comme l’exige le droit international, ont remis leurs armes à la SSPDF, les Forces de défense populaire du Soudan du Sud, qui étaient dans la région, pour protéger les champs pétrolifères et aussi nos frontières internationales. »

« Il n’y avait aucune hostilité, donc les forces qui sont entrées au Soudan du Sud sont en sécurité et elles sont maintenant en train d’être rapatriées dans leur pays. Ils ont remis leurs armes comme l’exige le droit international. »

« Ainsi, suite à ce développement, un accord tripartite a été conclu entre la SSPDF, les SAF et les RSF, les trois armées de la région.... ont accepté, et cet accord a confié au SSPDF la responsabilité principale de la sécurité sur les champs pétrolifères de Heglig. »

« Son Excellence le Président Salva Kiir Mayadit, de son côté, que le gouvernement du Soudan du Sud salue sous sa direction, est intervenu et a discuté avec les deux camps de la guerre soudanaise dirigés par le général Abdelfattah al-Burhan du conseil soudain du Soudan, et les autres forces, qui sont les forces RSF, dirigées par le général Mohamed Hamdan Daglo. »

« Le Président leur a parlé au téléphone pour qu’ils aggravent la situation. Les forces des RSF se sont retirées de la partie nord de Gilead, de sorte que la zone pétrolière de Gilead reste sous la responsabilité des Forces de défense populaire du Soudan du Sud. »


 

Une source basée dans l’État de l’Unité et familière du déploiement a déclaré au Sudan War Monitor que les forces des RSF devraient se replier vers Suq al-Qaria, à environ 40 kilomètres au nord-ouest de Heglig, et vers Kharasana, à environ 50 kilomètres au nord des installations pétrolières. La source a indiqué que cet arrangement vise à créer une zone tampon pour empêcher les combats actifs d’atteindre les infrastructures de production et de transport, et à assurer la protection des travailleurs pétroliers.

Une vidéo filmée par un combattant des RSF et examinée et géolocalisée par le Sudan War Monitor à cet endroit (9°59'50.46"N 29°23'58.62"E) montre un convoi de l’armée sud-soudanaise entrant dans le champ pétrolifère de Heglig, marquant le début du déploiement SSPDF dans le cadre de l’accord tripartite de sécurité. Les images montrent des véhicules blindés et des transports de troupes tournant à droite depuis la route principale entrant dans le quartier général de la 90e brigade d’infanterie.

Les termes de l’accord restent cependant flous. On ne sait pas si les RSF recevront une part des revenus pétroliers ou des frais de transit, qui ont traditionnellement été versés par le Soudan du Sud au Soudan pour l’utilisation des pipelines et des infrastructures d’exportation. L’absence d’arrangements financiers définis publiquement a soulevé des questions sur la durabilité de l’accord et les incitations pour toutes les parties à le respecter.

Le déploiement du SSPDF a également des implications politiques et sécuritaires internes pour le Soudan du Sud. Des groupes armés affiliés à l’Armée populaire de libération du Soudan (SPLA-IO) et à d’autres milices opèrent le long de la frontière, et des combattants sud-soudanais ont déjà été documentés combattant aux côtés d’unités des RSF à l’intérieur du Soudan. Le rôle neutre à Heglig risque d’empreinte Juba dans le conflit soudanais, tout en accentuant les failles internes entre acteurs armés.

Le commandement du déploiement Heglig a été confié au général de division Michael Makal Kuol Majak, un Bul Nuer originaire du comté de Mayom dans l’État d’Unity et ancien commandant des opérations SPLA-IO durant la guerre civile sud-soudanaise de 2013 à 2018. Sa nomination est délicate, compte tenu de sa relation de longue date et tendue avec le général Mathew Puljang Top, commandant de la 4e division d’infanterie du SSPDF à Bentiu, reflétant des rivalités de pouvoir plus larges au sein de l’establishment militaire de l’État de l’Unité.

L’implication du Soudan du Sud intervient sur fond de différends frontaliers non résolus et d’accords bilatéraux fragiles depuis sa sécession du Soudan en 2011. Les tensions ont à plusieurs reprises monté autour d’Abyei, Heglig, Kafia Kingi et de sections du corridor Kiir Adem/Bahr el-Arab, malgré des accords de coopération signés en 2012 couvrant le transit pétrolier, les mesures de sécurité et la gestion des frontières. La mise en œuvre a souvent échoué lors des périodes de conflit interne dans l’un ou l’autre pays.

Bien que ce déploiement ne soit pas directement lié à la guerre civile du Soudan du Sud, les risques de débordement sont importants. Le conflit soudanais a gravement endommagé l’économie du Soudan du Sud, aggravant une crise budgétaire qui a laissé les fonctionnaires et les soldats sans solde pendant plus d’un an. La pression qui en résulte a accru le risque d’agitation, de défections et de mutineries localisées — des facteurs qui pourraient compliquer la capacité de Juba à maintenir un rôle neutre de sécurité à l’un des points d’étranglement pétroliers les plus sensibles de la région.

Source de l'original en anglais: Observateur de la guerre du Soudan  14 décembre 2025