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Le CEDPE et l'UE se penchent sur le programme DDRR

Samedi 17 Février 2024

Journée d’échange et de réflexion sur le programme DDRR (désengagement, de dissociation, de réintégration et de réconciliation), N’Djamena, Date : 16 janvier 2024 - Lieu : CEDPE, Heure : 08h-11h30


Le CEDPE et l'UE se penchent sur le programme DDRR
Le Centre d’études pour le développement et la prévention de l’extrémisme (CEDPE) en partenariat avec l’Union Européenne (UE) a organisé deux heures d’échange et de réflexion (de 9H à 11H) sur le processus de DDRR[1] (DDRR est un programme de désengagement, de dissociation, de réintégration et de réconciliation) relatif aux désengagés de Boko Haram dans la région du Lac Tchad, le cas du Tchad. Il s’agit de réunir autour d’une table les associations impliquées dans la lutte et la prévention de l’extrémisme. Il faut rappeler qu’il existe depuis 2021 quatre points focaux dans les quatre pays membres du bassin du Lac Tchad constitués en réseau des organisations de la société civile du bassin du Lac Tchad. En collaboration avec le comité interministériel chargé de DDRR et le comité de pilotage, et dans le cadre du programme DDRR, et sous les auspices du ministère de la femme, le CEDPE[2] a envoyé, fin 2019[3], dans la province du Lac, une mission de 54 personnes à bord de 7 véhicules. Il s’agit de mener une étude de Profiling des désengagés de Boko Haram, suivie en 2020 d’une étude statistique. C’est ainsi que le CEDPE a officiellement remis en 2021, une base de données riche de 16000 pages à Mme la Ministre de la Femme. L’objectif était de réaliser la réinsertion socioprofessionnelle des désengagés de Boko Haram dont le nombre à cette époque avoisinait les 7 000 personnes parmi lesquelles des désassociés (femmes et enfants). Malheureusement, la réinsertion n’a jamais eu lieu puisque depuis ce temps  nous avons perdu le temps dans des études et l’organisation des événements. Le dernier projet financé par le canada consistait à effectuer une étude de faisabilité sur la construction d’un CTO[4] dans la province du Lac. Le CEDPE n’a pas soutenu ce projet étant donné qu’à ce jour, le nombre des désengagés dans cette province n’atteindrait plus un millier. Et puis, chaque pays à ses spécificités socioculturelles. Au Tchad, les désengagés sont intégrés dans leurs familles et ne sont pas victimes de stigmatisation ni de marginalisation. Il serait donc judicieux de renforcer cette réintégration sociale au lieu de demander aux désengagés de se désintégrer pour rejoindre un processus de réintégration.
 
Aujourd’hui, il semble que l’Union Européenne a un projet d’implantation du processus DDRR dans les quatre pays membres du bassin du Lac Tchad, et c’est l’objectif d’échanger avec les acteurs de la société civile actifs dans le bassin du Lac Tchad. Il convient de rappeler que dans le cadre du projet DDRR, le CEDPE a étudier un projet intitulé « Stabilisation et renforcement de la résilience des populations de la Province du Lac ».

RESUME DU PROJET
Les États du Bassin du Lac Tchad : Cameroun, Niger, Nigeria et Tchad sont confrontés à un conflit multidimensionnel dont les causes sont à la fois structurelles (pauvreté, dégradation de l’environnement, rétrécissement du lac, croissance de la population), conjoncturelles ( faiblesse de l’administration, porosité des frontières incontrôlées, violation des droits de l’Homme, recrudescence des conflits inter et intracommunautaires, développement du terrorisme en raison de l’éclatement et de la déstabilisation de la Libye…..). Ce conflit multidimensionnel a permis aux groupes extrémistes violents de s’approprier de ce terrain fertile pour s’y installer depuis 2009 en défiant les forces de défense et de sécurité appartenant aux quatre pays soutenus par la communauté internationale. Ce défi est l’un des phénomènes qui a mobilisé autant de ressources financières, matérielles et humaines pour son éradication aussi bien dans le bassin du Lac Tchad que dans l’espace du G5 Sahel. Plusieurs stratégies parmi lesquelles la sensibilisation et les interventions militaires ont été utilisées par des États et des ONG[5] pour contrer ce phénomène. Mais force est de constater que toutes ces actions n’ont pas contribué à stopper de façon définitive les enrôlements massifs de jeunes, même si nous observons ces derniers temps des redditions mais aussi des retours spontanés et volontaires des personnes associées à Boko Haram. L’échec de l’extraction du terrorisme est dû en grande partie à l’absence d’une stratégie de prévention claire et efficace. À titre d’exemple, le développement fait l’objet d’une négligence malgré qu’on en parle beaucoup, et la plus grande partie de financement est consacrée à l’option militaire qui, malgré son importance, n’a jamais réussi, à elle seule, à éradiquer l’extrémisme violent (…) Selon un décompte réalisé, entre 2012 et 2018, les dépenses dans les pays du G5 Sahel ont plus que doublé, passant de 580 M€ à 1,35 Md€[6] dont près de 60 % de dépenses militaires, auxquelles est principalement due cette hausse. À cela s’ajoute des crédits spécifiques de 200 M€ par an, gérés par l’agence française du développement (AFD)[7]. Il a été malheureusement constaté que la montée de l’engagement militaire dans la région ne s’est pas accompagnée d’une accentuation notable de l’effort d’aide publique au développement. Le plafond financier de FEP[8] est à 5,7 Md€ pour la période 2021-2027. Grâce à cette enveloppe couvrant la période 2022-2024.
 
Autant les multitudes de conférences, ateliers, colloques, séminaires, réunions, études, paperasse… sur la thématique relative à l’extrémisme violent sont nécessaires pour dégager une stratégie commune axée sur la phénoménologie et la typologie, autant il est temps voire urgent de revoir nos stratégies pour les orienter vers des actions pratiques et concrètes sur le terrain. Ces actions doivent directement concerner la stabilisation et le développement en impliquant tous ceux qui ont la volonté d’apporter leur contribution.
 
Fort de tout ce constat, et sachant qu’il n’y a pas de sécurité pérenne sans développement économique, social et institutionnel, le Cadre de concertation et d’Actions des forces vives de la Province du Lac contre le Terrorisme (CCAF T/LAC) en partenariat avec le Centre d’Études pour le Développement et la Prévention de l’Extrémisme (CEDPE) et le Réseau des organisations de la société civile du Bassin du Lac Tchad (ROSC/BLT) a initié ce projet intitulé « projet de stabilisation et de renforcement de la résilience des populations de la Province du Lac » afin de combattre l’extrémisme violent par une approche basée sur l’encadrement et le développement.
Pour ce faire, compte tenu du nombre croissant d’une part, de personnes victimes des atrocités, et d’autre part, de celles ayant fait défection des rangs des groupes extrémistes[9] (en majorité de femmes), il a été jugé nécessaire d’élaborer ce projet à triple objectifs : D’une part, il sert à former et autonomiser un nombre important de personnes tout en prenant en compte leurs besoins, d’autre part, leur apprendre la vertu de la paix à travers la cohabitation pacifique, le vivre ensemble et la prévention de l’extrémisme ; puis en troisième lieu, la formation, la création des activités génératrice des revenus et le relogement.
Avec un cout global de trente-huit milliards sept cent cinquante-un millions neuf cent sept mille cinq cent (38 751 907 500) soit 59 millions d’euros)[10], ce projet aura une durée de trois (03) ans et sera mise en œuvre dans cinq (5) localités de la Province du Lac.
Ce projet est la quatrième phase après les deux premiers projets de profiling de désengagés réalisés dans le Lac : en mars 2018 et novembre 2019 avec une collecte d’une importante base des données (16 000 pages) remise à Mme la Ministre tchadienne de la Femme, suivi d’une étude statistique publiée[11] fin 2020 et remise à jour en 2021.
 

[1] A ne pas confondre DDR et DDRR. 1/ DDR est  un programme de désarmement, démobilisation et réinsertion qui concerne les désengagés des mouvements politico-militaires signataires de l’accord de Doha. Le ministre en charge des armées a signé le 24 septembre 2023 une décision portant nomination des membres du comité technique de la commission nationale chargée de la mise en œuvre du programme de DDR « les Nations Unies ont mis à la disposition du gouvernement pour cette opération la somme de 5 millions de dollars ». 2/ DDRR : est un programme de désengagement, de dissociation, de réintégration et de réconciliation
[2] Le Centre d’Études pour le Développement et la Prévention de l’Extrémisme (CEDPE), est une structure apolitique, indépendante, une sorte de Think Tank, un laboratoire d’idées. Fondé par un groupe de cadres tchadiens, il est un pôle d’expertise dans le cadre d’études et de recherches sur les causes et conséquences des maux qui minent la stabilité sociale. Il est devenu une référence dans le domaine de la prévention et de la gestion des conflits, dans la stabilisation et le renforcement de la paix. Depuis sa création en 2017, il œuvre dans cette perspective de prévention et de lutte contre l’extrémisme sous toute ses formes à travers des activités qui sont entre autres  la descente sur le terrain pour mener des enquêtes  et sondages dans tous les domaines (Politiques, économiques et sociaux), la publication des ouvrages, les publications trimestrielles de la revue scientifique du CEDPE dénommée « SALAM », l’organisation des ateliers de formation, des conférences débats et participe aux travaux d’études avec des partenaires dans son domaine technique d’expertise, la promotion de l’information scientifique et de la communication, la formation  des jeunes aux nouvelles technologies, la  participation à l’analyse de la conjoncture nationale et internationale et de ses perspectives d’évolution dans tous les domaines, notamment la bonne gouvernance et les droits de l’Homme. Engagé donc dans cette lutte, le CEDPE s’implique de plus en plus auprès des institutions étatiques ou non, paraétatiques, tant sur le plan national qu’international.
[3] Entre octobre et novembre 2019
[4] CTO : centre de transit et d’orientation.
[5] Organisations Non Gouvernementales
[6] Lettre du Président de la Cour des Comptes au Premier Ministre Français Jean Castex, le 9 février 2021 Référé : Les actions civiles et militaires de la France dans les pays du G5 Sahel (ccomptes.fr)
[8]Adoptée en mars 2021, la FEP est un instrument extra-budgétaire visant à financer des actions opérationnelles dans le domaine militaire au profit de partenaires partout dans le monde. Son plafond financier a été fixé à 5,7 Md€ pour la période 2021-2027. Grâce à cette enveloppe couvrant la période 2022-2024, l’UA sera en mesure de solliciter « un soutien pour des opérations individuelles de soutien de la paix en fonction des besoins, ce qui permettra de réagir rapidement aux développements pertinents en matière de sécurité sur le continent africain ».L'Europe débloque 645 M€ pour soutenir les armées africaines - FOB - Forces Operations Blog
[9] Avec l’affaiblissement des groupes extrémistes après la mort des deux chefs charismatiques, Shekawu et Alburnawi en 2021, le terrain est désormais propice pour un tel projet de stabilisation dans la région du Lac Tchad. L’armée nigériane a annoncé la reddition de 13 243 terroristes et leurs familles à travers tout le nord-est du pays. Selon le journal le MONDE, ces désengagés de Boko Haram seraient maintenant près de 20 000 coté Nigeria et au moins 2000 du côté du Cameroun[9], alors que le CEDPE estime le nombre approximativement à 7000 personnes dans la province du Lac.
Sachant que la mission de profiling effectuée en fin 2019 par le CEDPE a pris en compte tous les aspects socioéconomiques nécessaires en rapport avec les désengagés/désassociés ; étant donné que l’exploitation de base de données collectée et remise au Ministre de la Femme en mars 2021 peut faciliter la réinsertion socioprofessionnelle des désengagés/désassociés ;
[10] Soit les dépenses de deux mois de l’opération Barkane dans l’espace du G5 Sahel qui donnera une nouvelle image de stabilité et de développement de la province du Lac.