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L ’IMPLANTATION DE BOKO HARAM DANS LA REGION DU LAC TCHAD

Mardi 27 Octobre 2020

La région s’est transformée en un maillage d’îles. La province du Lac constituait le poumon économique de la région. Mais son assèchement a engendré de profondes transformations dans la situation socioéconomique de la région. Les populations de la région s’adonnent principalement aux activités traditionnelles de l’agriculture, de l’élevage, des pêches et des forêts, ainsi qu’aux activités artisanales de transformation correspondantes.


Boko Haram s’est implanté dans la région du Lac Tchad. Un ensemble de phénomènes sociaux et géographiques affectant cette région sont à prendre en compte pour apprécier la manière dont Boko Haram s’y est installé et y a prospéré. Situé à la jonction de quatre pays, le Tchad, le Cameroun, le Nigeria, le Niger dans une zone sahélienne semi-aride, le Lac Tchad est l’un des rares grands lacs endoréiques de la planète – c’est-à-dire sans ouverture vers la mer. Il est caractérisé à toutes les échelles de temps (saisonnière, décennale, millénaire, géologique) par sa très grande variabilité. 4 000 ans avant notre ère, sa profondeur atteignait 65 mètres et sa superficie près de cinq cent fois l’actuelle (Silvestre, 2014). A l’inverse, il fut complètement sec pendant une vingtaine d’années au cours du 15ème siècle. Par rapport à 1960, le lac Tchad a perdu 90% de son eau ; et depuis les années 1990, la surface du lac Tchad oscille entre 17 000 km² et 2 500 km² (G. Magrin, 2015). Ses eaux libres, dont la profondeur fluctue entre 4 et 1,50 mètres, sont désormais entourées de marécages et bancs de sable. La région s’est transformée en un maillage d’îles. La province du Lac constituait le poumon économique de la région. Mais son assèchement a engendré de profondes transformations dans la situation socioéconomique de la région. Les populations de la région s’adonnent principalement aux activités traditionnelles de l’agriculture, de l’élevage, des pêches et des forêts, ainsi qu’aux activités artisanales de transformation correspondantes. Cependant il faut noter une diminution de la « production des poissons qui est déjà passée de 243 000 tonnes entre 1970-1977 à 56 000 tonnes entre 1986-1989. Les populations qui vivent principalement de la pêche par le passé ont vu leurs ressources disparaitre, les contraignant à changer d’activités ou à une reconversion contraignante. La pauvreté s’est fait le quotidien des habitants du lac Tchad ». De surcroît, « en saison sèche à Darak, par exemple, l’exondation du lac a libéré des espaces qui ont rapidement été occupés par les agriculteurs. Les pâturages du coup se sont réduits. Les plantations sont tellement serrées que les pistes de transhumance de nomades ont formé un labyrinthe » (Sambo 2011). Les pêcheurs, en mal de poisson, se sont transformés en cultivateurs là où ils jetaient leur filet auparavant. Dans les dernières décennies, les populations locales ont également mené quelques activités agro-industrielles et industrielles modernes (égrenage de coton, brasseries, industrie du cuir, machinisme, concassage et industries alimentaires, etc.) et minières (exploitation de l’or en RCA et production pétrolière au Tchad). La majorité de ces industries sont concentrées en zone urbaine, notamment au Nord du Nigeria, du Cameroun et au Tchad. A partir de 2003, le Tchad est devenu un pays pétrolier grâce à la formation d’un consortium « 2001-2004 » qui a procédé au forage « de plus de 300 puits et construit un oléoduc de 1070 kilomètres pour l’évacuation du pétrole jusqu’à Kribi sur la côte atlantique du Cameroun ». Mais, pris de cours en 2015 par la brusque détérioration de la situation économique en raison de la dégringolade du prix du baril sur le marché mondial, le Tchad qui a beaucoup compté sur les revenus de l’or noir - sans avoir pensé à diversifier ses sources de revenu - a subi de plein fouet la crise économique. Face à cette situation, le gouvernement a imposé aux fonctionnaires une baisse de salaire, une politique qui a suscité des mouvements sociaux. Dans ce contexte, la régulation traditionnelle des conflits de territoire et de ressources n’arrive pas toujours à empêcher les bagarres entre divers groupes. Sans compter que la région est caractérisée par une diversité ethnique forte. La promiscuité sociale imposante a produit, à travers des décennies des conflits de terroir, souvent meurtriers, une coexistence pacifique des diverses sociétés ethniques parlant plusieurs langues locales : Boudouma, Kanembou, Haoussa, Kanouri, Bornou, etc. A ces langues s’ajoutent encore des (…) => P. 14  =>  (....) télécharger gratuitement la revue scientifique du CEDPE en PDF